Equipe de recherche
Microenvironnement, Signalisation et Cancer
Rôle de l'enzyme LOXL2 dans le comportement pro-invasif des cellules de mélanome et le remodelage matriciel du stroma tumoral
Résumé :
Le mélanome cutané́ est un cancer de la peau agressif, hétérogène et hautement métastatique. Malgré le succès des nouveaux traitements comme les thérapies ciblant la voie oncogénique BRAFV600, et les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire, de nombreux patients restent en échec thérapeutique en raison de résistances innées ou acquises dues à des mutations génétiques ou des phénomènes non-génétiques de reprogrammation et plasticité phénotypique. Des études récentes ont identifié des sous-populations cellulaires tumorales qui se distinguent selon leur état de différenciation et leur signature transcriptionnelle. En réponse aux signaux du microenvironnement et aux pressions thérapeutiques, les cellules de mélanome peuvent passer d'un état mélanocytaire à des états dédifférenciés associés à une expression accrue de récepteurs tyrosine kinase (RTK), de marqueurs mésenchymateux ou de cellules souches de la crête neurale[ST1] . Cette transition a été décrite comme un facteur d’adaptation et de résistance aux thérapies ciblées. La progression tumorale est influencée par les propriétés biochimiques et biophysiques du stroma matriciel environnant. Ainsi, une augmentation des dépôts de collagène et de la réticulation des fibres rigidifie la tumeur, promeut la progression maligne et protège des thérapies. Mon travail s'appuie sur des observations originales de l'équipe selon lesquelles les cellules dédifférenciées produisent une matrice extracellulaire (MEC) abondante riche en lysyl oxidase-like 2, LOXL2, une enzyme de réticulation du collagène également connue pour son implication dans la transition épithéliale-mésenchymateuse du cancer du sein. Son rôle dans la biologie des mélanomes n’est pas connu. Nous avons émis l'hypothèse que la production de LOXL2 par les cellules de mélanome pourrait influencer leurs propriétés mésenchymateuses ainsi que le remodelage matriciel et la rigidité tumorale observés in vivo au cours de la réponse adaptative au traitement.
Nous montrons dans un premier temps que LOXL2 est préférentiellement exprimé par les cellules de mélanome dédifférenciées et que son expression est associée à un mauvais pronostic. LOXL2 est induit par la thérapie ciblée ou l'hypoxie, des facteurs connus pour favoriser la transition vers un état dédifférencié, et est régulé par des facteurs de transcription de la plasticité tumorale comme ZEB1. De façon intéressante, l'induction de LOXL2 par la thérapie ciblée est inversée par les inhibiteurs des voies RTK et AKT. Dans un deuxième temps, nous avons étudié la contribution spécifique de LOXL2 dans le phénotype tumoral dédifférencié par des approches perte de fonction. Nous révélons que LOXL2 joue un rôle important dans la formation d'adhésions focales et la morphologie des cellules mésenchymateuses et favorise leur migration, invasion et formation de métastases. Sur le plan mécanistique, une analyse protéomique comparative a permis d'identifier l'inhibiteur de l’activateur du plasminogène 2, PAI-2, un membre de la famille des serpines comme un effecteur potentiel de la migration dépendante de LOXL2. Enfin, mes données indiquent que le ciblage de LOXL2 dans les cellules dédifférenciées et les fibroblastes associés au mélanome réduit leur capacité à contracter une matrice de collagène et à assembler une MEC organisée, ce qui suggère l'implication de LOXL2 dans le dialogue entre cellules de mélanome et matrice tumorale.
L'ensemble de mes résultats établit un lien original entre LOXL2, l'hétérogénéité phénotypique des cellules de mélanome et le remodelage matriciel stromal. Notre étude révèle qu’en plus de son rôle dans le remodelage du collagène, LOXL2 joue un rôle pro-invasif « cell autonomous » intrinsèque à la cellule de mélanome.
De plus, mon travail améliore notre compréhension des signaux biomécaniques de la MEC qui affectent la plasticité tumorale et l'adaptation aux thérapies et souligne l’intérêt du ciblage de LOXL2 dans le traitement de la maladie métastatique et résistante.
Mots clés :
Mélanome, transition phénotypique, LOXL2, remodelage de la MEC, migration
Président :
- Dr Gilles PAGÈS, DR Inserm, Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement (IRCAN), Université Côte d’Azur
Rapportrices :
- Pr Samia MOURAH, DR Inserm, Hôpital Saint Louis, Université Paris Cité
- Dr Julie CARAMEL, CR Inserm, Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (CRCL), Université Claude Bernard Lyon 1
Examinateur :
- Dr Emmanuel DONNADIEU, DR CNRS, Institut Cochin, Université de Paris
Directeurs de thèse :
- Dr Sophie TARTARE-DECKERT, DR Inserm, C3M, Université Côte d’Azur
- Dr Marcel DECKERT, DR Inserm, C3M, Université Côte d’Azur